mardi 17 juin 2025

Les Vautours Bétonneurs de Roissy-en-Brie

Roissy-en-Brie
 
Charmante bourgade de Seine-et-Marne, autrefois entourée de forêts, de champs, de silences. 
 
Mais ça, c’était avant que les Vautours Bétonneurs ne débarquent.

On les appelle ainsi, parce que c’est tout ce qu’ils font : ils vampirisent, ils gentrifient, ils détruisent des quartiers entiers, ils arrivent avec leur pognon, rachètent les pavillons, bétonnent nos quartiers.

Du béton, des cages, des parkings souterrains qui prennent l’eau dès le premier hiver, des appartements de 42m² vendus plus de 300 000 euros, comme des « T3 avec vue dégagée sur la départementale ». 

Et le pire, c’est que ça marche.

 

 

 

Les Vautours Bétonneurs, alias VB, ou Vibi, si on cause Ingliche, arrivent toujours avec la même méthode. 

D’abord, un nom flatteur pour un projet de construction : « Les Terrasses du Parc » (le parc est à 2,6 km), « L’Écrin Vert » (pas un arbre à l’horizon), « Le Clos d'Alice » (c’est un terrain vague, mais bon...). 

Ensuite, un PowerPoint avec des enfants blonds en trottinette, des couples métis amoureux sous le soleil de 18 h 30, et des oiseaux qu’on entendrait chanter si ce n’était pas un montage sonore.

Puis vient la phase de grignotage. 

Un terrain vague acheté trois fois rien, une ancienne zone maraîchère, un vieux parking municipal oublié. 

En deux mois, tout est rasé. 

En six mois, les fondations sont posées. 

En douze mois, la résidence est « livrée ». 

Avec les retards de livraison, multiplier le délai par trois. 

Les habitants, eux, reçoivent une boîte aux lettres de travers, des fissures à l’entrée et un vis-à-vis immédiat avec la chambre du voisin.

On pourrait croire que la mairie se bat. 

Mais non.

La mairie observe

Elle acquiesce poliment.

Et notre Zerdoun Municipal de signer tous les permis de bétonner, tel Lucky Luke, plus vite que son ombre.

Parfois, la ville fait semblant de gronder, afin de sauver les apparences. 

Elle demande des « contreparties ». 

Une aire de jeux, un lampadaire design, une fresque murale peinte par une association locale sous-payée.

Puis, elle signe. 

Une signature municipale, c’est comme une poignée de main avec les dents serrées : ça veut dire « on sait, mais on laisse faire ».

Il faut dire qu’on leur a promis des « logements accessibles », des « recettes fiscales », et surtout « de la mixité sociale ».

 

 

Le tout servi avec de grands mots comme densification, urbanisme concerté ou mobilité douce (même quand la gare est à 25 minutes à pied et qu’il n’y a qu’un bus tous les deux jours).

Pendant ce temps-là, les riverains regardent pousser les blocs gris comme on regarde pousser des champignons vénéneux. 

Ils savent qu’on ne pourra rien cultiver autour, sauf du désespoir et des pots de fleurs en plastique. 

Les anciens parlent du temps où il y avait un champ de coquelicots. 

Les jeunes se demandent pourquoi leur cage d’escalier sent déjà l’humidité alors qu’ils ont emménagé il y a trois semaines.

Un jour, un panneau s’est effondré, avec écrit :

 

« Une nouvelle vie commence ici ». 

 

C’était ironique. 

Ou prophétique.

Mais attention, tout n’est pas perdu. 

Car dans l’ombre, une rumeur monte. 

Une rumeur de balcon en balcon, de cagibi en hall d’entrée. 

On dit que des habitants se réunissent. 

Qu’ils parlent d’un « collectif ». 

Qu’ils veulent créer un jardin partagé sur le dernier terrain non bétonné.

Qu’ils ont retrouvé les plans d’urbanisme, et qu’ils ont même appris à les lire. 

Pire : qu’ils ont repéré une clause oubliée dans un vieux PLU qui empêche les immeubles de dépasser trois étages à cet endroit.

Le bruit court qu’un jour, ils se lèveront. 

Pas pour bloquer le chantier (trop tard), mais pour en empêcher le suivant. 

Pour imposer du beau, du vivant, du durable

Pour rappeler que Roissy-en-Brie n’est pas une feuille Excel, ni une ville-dortoir, mais un lieu de vie.

En attendant, les Vautours Bétonneurs continuent de bâtir leur prochaine horreur, entre une station-service et une coulée verte qui n’a jamais vu une goutte d’eau. 

Le soleil se couche, derrière une grue. 

Et quelque part, dans une cuisine éclairée par une lampe Ikea, quelqu’un imprime un tract...

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